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SANS CHEVAL, JE SERAIS PLUS RICHE

PAR HÉLÈNE TREMBLAY

«J’ai un cheval »
Peu d’affirmations n’entraînent autant de regards sceptiques, voire même soupçonneux. «Wow’! Tu dois être riche. As-tu remporté la 6/49? ( LOTO )»
Non, je ne suis pas riche. Je le serais peut-être si, justement, je n’avais pas de cheval. Je m’empresse toujours d’ajouter, avant que les regards sceptiques ne virent aux soupçons (la richesse, c’est drôle, a quelque chose de suspect, on dirait) que je n’ai pas vraiment les moyens d’avoir un cheval. Que c’est une folie, une maladie dont, que voulez-vous, je suis irrémédiablement affligée. Et c’est vrai. Je n’ai pas un cheval parce que je suis riche. Je suis même plutôt pauvre parce que j’ai un cheval. A la fin de l’été - la saison de compétition - mon portefeuille est si à plat qu’il n’a plus que la peau, même pas les os. Je me dis qu’enfin, je vais pouvoir souffler un peu, me refaire une santé budgétaire. Vlan! La chaudière de vitamines est vide. Puisqu’il faut choisir entre mes capsules énergétiques et les siennes, lesquelles croyez-vous que j’achèterai? Quant à moi, une ration de jus d’orange et une pomme par jour devront suffire à éloigner le médecin.
Enfin! Je vais m’offrir la paire de chaussures dont je retarde l’achat depuis des mois. Trois jours plus tard, j’en reçois deux paires flambantes neuves, courtoisie de mon maréchal-ferrant. Évidemment, ça n’est pas moi qui vais les porter Par contre, devinez qui va les payer... Mon bon vieux manteau d’hiver devrait me donner encore une année de loyaux services. C’est bien ainsi, parce que la couverture de Tout-petit n’en fera pas autant. C’est de ce côté qu’iront les économies.
Évidemment, chaque mois ramène sa date fatidique du 10. Inéluctablement, je sors mon carnet de chèques pour acquitter la pension de Tout-Petit. Encore un petit coussin qui s’aplatit. Ainsi progresse l’automne. La quinzaine de repos bien mérité que je lui ai accordé au terme de son effort estival ne semble pas alléger complètement - en tout cas pas à ma satisfaction - les maux de dos qu’il a développés. Mon entraîneur suggère, à titre d’essai, une séance d’acupuncture. On ne sait jamais... J’aurais bien besoin moi-même d’une petite cure du type « faites-vous dorloter » quelque soit le centre de santé indispensable à votre bien être. Mieux, d’un matelas aux ressorts moins fatigués. Avez-vous une idée comme c’est cher? Sans compter qu’on n’a pas le choix, il faut aussi acheter le sommier. C’est trop pour mes moyens. Mais puisque le vétérinaire -acupuncteur sera de passage à l’écurie la semaine prochaine, ce serait bête de ne pas en profiter, non ? Mon dos, lui, devra se contenter d’un bon bain chaud.
J’ai beau aimer mon cheval, mon chien et mes chats, je n’ai jamais vraiment cru aux cadeaux d’anniversaire pour les animaux. Je demeure convaincue que Tout-petit n’a vraiment aucune notion de ce qu’est Noël, c’est-à-dire un concept entièrement culturel (la partie des cadeaux, en tous cas). La culture, pour lui, c’est ce qui pousse dans les champs et qu’on lui sert en galette.
Pour lui, le 25 décembre, c’est la routine habituelle avec, sans doute, moins de boulot qu’une autre journée. Pensez-vous vraiment qu’il fait le rapprochement?
Par contre, pour moi, c’est l’occasion rêvée de recevoir cet ensemble de polos dont j’ai tellement envie. Pas que j’en aie besoin, non. Tout-petit a tous les polos qu’il lui faut. Je dirais même qu’il n’a pas assez de pattes pour les porter tous. Mais ceux-là sont neufs et la couleur me plaît.
Ça n’est pas ça, un vrai cadeau?
Les enfants, vous vous en doutez, m’ont offert le dernier calendrier avec les magnifiques chevaux-sauvages-qui-galopent-dans-l’herbe-haute,folle-crinière-au-vent. Pour mon anniversaire, je me le suis bien promis, je me ferai vraiment plaisir. Je m’offrirai quelque chose juste pour moi. Il y a ce livre qui m’intéresse, vous savez, celui sur la méthode d’imprégnation des poulains?
Finalement, vous l’aurez compris, les chevaux sont une grande partie de ma vie.
Bien sûr, Tout-petit ne passera jamais avant ma famille, mais il y a bien des choses dont je suis prête à me passer, moi, pour lui. Et c’est bien ainsi.
Après tout, nous n’avons pas besoin d’un système de cinéma-maison. Avec toutes nos activités, nous regardons très peu la télé. Une chaîne de son haute-fidélité? Pourquoi faire? Les disques compacts sont tellement hors de prix...
Heureusement pour moi, je suis contre les vêtements designer. Pourquoi paierais-je leurs vêtements une fortune quand des mannequins sont payés une fortune pour les porter? Je n’ai rien d’un mannequin, me direz-vous? Pas grave.
Tout-petit, lui, il s’en fiche. Il ne voit même pas la différence. C’est culturel, je vous le répète, et la culture Vous le savez, je vous l’ai déjà dit.
Un jour, c’est sûr, ma voiture exigera plus de moi que les services essentiels, administrés in extremis. Un jour, sûrement, sa vie de véhicule d’occasion s’éteindra et je devrai bien m’en procurer un autre, moyennant un montant d’argent qu’il faudra bien que je trouve. Je trouverai. Je finis toujours par trouver, parce que, je le dis sans rire, j’ai mes priorités bien alignées. Vous riez?
C’est sûr que sans Tout-petit, cet animal qui carbure au foin - mon foin - j’aurais plus d’argent à la banque. J’aurais sans doute une voiture neuve, plus de REER pour ma vieillesse, un système de cinéma maison. Mais avec Tout-petit, je la repousse, cette vieillesse. Oh, je sais bien qu’elle va finir par me rattraper Mais la vieillesse sans passion, seule devant mon cinéma-maison, je trouve ça un peu ordinaire.
Par contre, ce que Tout-petit et ceux qui sont venus avant lui m’ont apporté, c’est le feu qui brûle en moi depuis toutes ces années. Grâce à eux, j’ai trouvé la force de vaincre ma gêne et de sortir.

 
   

   © 2006 Serge Bonnier • Mail